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L'affaire Cano - 1
Introduction
Les auditeurs de la conférence des soirées annuelles de CHLOE du 6 octobre 2016 ont pu apprendre qu'une « mystérieuse malle » avait été découverte en 1975 à Orsay. Cette malle avait appartenu à un orcéen Louis Soullié, libraire et marchand d’art. Elle contenait des documents professionnels inédits, identifiés en 2013.
Parmi ces documents, se trouvait une chemise contenant des lettres d'une correspondance avec un certain M. D. Schmidt, industriel et collectionneur de tableaux à Genève. Il s'agit d'une transaction dans laquelle David Schmidt cherche à revendre à tout prix un tableau d'Alonzo Cano à Louis Soullié. Réciproquement, ce dernier profite de l'occasion pour tenter de placer un tableau quelconque auprès du collectionneur. Ce dernier élude ou refuse les propositions de tableaux de peintres suisses : Robert, Calame, ou de peintres français : Courbet, Troyon, mais se laisse tenter par un Vincent Van Gogh et un Monticelli. Soullié s'empresse de lui faire parvenir les tableaux.
L'affaire est reconstituée à partir des seuls documents disponibles, principalement des lettres reçues par Louis Soullié.
La chemise Alonzo Cano contenait :
- un catalogue de la collection Choquet (1859) avec deux fiches en papier fragile ;
- les pages 301 à 304 de la Gazette des Beaux-Arts (1er juin 1859) ;
- huit lettres de Schmidt à Soullié reçues de 1908 à 1909 ;
- un télégramme de Schmidt à Soullié ;
- une notice manuscrite décrivant le tableau de Cano à la manière d'un relevé de vente d'art ;
- deux reçus de la poste d'Orsay, l'un pour l'envoi de 4 études peintes de Calamane et l'autre pour l'envoi d'un tableau de Van Gogh et d'un tableau de Monticelli ;
- quatre pages d'un ou plusieurs numéros de la revue Le Connaisseur.
Lettre de Schmidt à Soullié 24 mai 1908
Nous ne savons comment Louis Soullié et David Schmidt se sont connus. Des échanges, dont nous ignorons la teneur, ont précédé cette première lettre retrouvée. À sa lecture, nous déduisons que Soullié a proposé à Schmidt un tableau du peintre L. Robert. Schmidt se déclare intéressé sous réserve d'examen, mais sans transition et de manière très cavalière, Schmidt passe à l'affaire qui le préoccupe : vendre le Cano. Il accepte de recevoir un catalogue de la collection Choquet susceptible de contenir des informations utiles, puis invite Soullié à se charger de la vente.
Monsieur L. Soullié, rue des Sablons, Orsay
Votre lettre m'est arrivée hier soir trop tard pour vous répondre à temps. À cet effet, je vous adresse ce matin une dépêche au sujet du L. Robert, dont je serais acquéreur si le prix est raisonnable. Il est très difficile de fixer et de faire un prix sur une offre sans avoir vu le tableau.
Aussi je crois que vous aurez jugé vous-même si le dit tableau vaut la somme fixée par moi, ou non ou s'il vaut mieux. Prière de m'en informer de suite et me dire si vous faites l'acquisition. Quant à l'offre que vous me faites de m'envoyer le catalogue de la Coll. Choquet en communication, je vous exprime d'avance tous mes remerciements. Vous me rendriez un réel service. Je vous la retournerais de suite. Seulement je vous prie de le faire recommander. Vous me direz les frais occasionnés et je vous le rembourserai en timbres postes. Ceci pour éviter qu'il s'égare en route. Le tableau en question est un ancien tableau de la Coll. Choquet et représente l'archevêque de Grenade et peint par Alonso Cano le célèbre peintre et sculpteur espagnol.
Dans une prochaine lettre, je pourrais vous donner le détail et les textes des inscriptions du dit tableau. Il y aurait peut-être une affaire à faire avec le dit tableau, vous qui connaissez beaucoup d'amateurs ou grands marchands. Car je vous l'ai déjà dit, la peinture ancienne ne m'intéresse pas beaucoup, car toute ma collection se compose de peinture moderne.
Dans le cas où mon offre vous intéresse, je vous donnerai tous les détails ainsi que de quelle manière le dit tableau est devenu ma propriété.
Dans l'attente de vous lire, veuillez agréer, Monsieur ...
Télégramme de Schmidt à Soullié 24 mai 1908
La relation entre le contenu du télégramme et la note apposée par Soullié n'est pas élucidée.
Difficile de fixer prix sans voir. 350 à 450 faites au mieux.
Schmidt.
Annotation manuscrite de Louis Soullié :
Reçu que Lundi matin à 7h40 trop tard pour prendre le train qui devait m'amener à Roubaix à 2h